01 Jun 2007
La circulation et l’usage des supports enregistrés dans les musiques populaires en Île-de-France
Résumé de la recherche
L’une des particularités de la musique populaire réside dans la place dévolue au recording (techniques d’enregistrement et de restitution). D’une part, les musiciens de musique populaire considèrent l’enregistrement comme une phase cruciale de création plutôt que comme une duplication. D’autre part, l’apprenti-e utilise les supports enregistrés et les appareils de reproduction sonore (y compris domestique) comme des instructeurs. Il s’imprègne et imite la musique qu’il (elle) aime – dans sa chambre – acquérant le vocabulaire stylistique et se familiarisant avec les techniques de studio. C’est également grâce à ces mêmes répertoires qu’il (elle) rencontre d’autres amateurs et fonde des formations, bientôt productrices de leur propre musique. À ce moment, l’imitateur devient un créateur ; l’incorporation d’un répertoire particulier produit une individuation, ce qui n’est pas rien. En faisant du turntable (platine vinyl) et de la mixdesk (table de mixage) des instruments de performance et des sons enregistrés le matériau de leur musique, la techno et le rap ont confirmé la place déterminante de la sphère domestique (souvent négligée) dans l’apprentissage et des appareils d’écoute « communs ».
On peut décomposer ce mouvement de translation en trois moments ; l’importation d’un répertoire venu d’ailleurs, l’appropriation dans l’espace domestique, la réexportation dans l’espace public de son propre répertoire. Ces mouvements – qui impliquent des personnes et des choses – font apparaître une conjugaison d’espaces hybrides : territoires et résidences (sphère domestique, pâté de maison, disquaire, école, villes voisines, régions administratives etc.), réseaux de circulation des supports (marché du disque, radio, web, pairs, parents etc.), interfaces pour représenter et manipuler la musique (disques, tablatures, logiciels, ipod, instruments). C’est pour étudier les formes actuelles de cette appropriation et rendre patent ces différents espaces que j’ai mené, de 2005 à 2007 en France, une étude intitulée “la circulation et l’usage des supports enregistrés en Ile de France“. À l’heure d’Internet, j’ai essayé de retracer, avec une trentaine de jeunes musiciens de rock, hip hop et techno (garçons et filles), les différentes étapes de leur apprentissage : les répertoires qu’ils avaient reproduit, aimé et partagé, les appareils et les supports qu’ils (elles) avaient utilisé, qui leur avait fourni ces objets et leur provenance. Comment ils s’appropriaient ces techniques, quels objets et lieux ils avaient fréquenté et comment ils avaient enregistré leur propre musique (souvent avec d’autres), Enfin, comment ils exportaient dans l’espace public leur production (notamment via myspace et leurs propres sites). En outre, je me suis intéressé aux canaux qu’ils utilisaient pour faire circuler des sons à l’intérieur de leurs formations. Pour représenter cette pluralité d’espaces et de parcours, j’ai notamment utilisé des cartes de réseaux. Qu’y voit-on ? Une figuration de ce que l’on pourrait les appeler “les espaces de la musique populaire“, des territoires où le “local“ et le “global, sont sans cesse reconfigurés par les acteurs et leurs innovations : l’invention de nouveaux équipements culturels.
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